![]() |
Caroline AVANESSIAN FNAP |
Lors du dernier sous-comité des transports sanitaires des Alpes-Maritimes les ambulanciers de ce département ont demandé à la FNAP de les accompagner compte tenu de la tournure que prenait ce sous-comité.
Spécialiste des questions juridiques concernant la profession, Caroline AVANESSIAN, des Ambulances Elie de Martigues, a été chargée par la FNAP d’assister les confrères de ce département. Interrogée par l’AU83, elle nous livre en exclusivité ses impressions.
L’AU 83 : Pouvez-vous nous expliquer en deux mots votre présence au sous-comité des transports sanitaires de la DT 06 ?
C.A : Oui, en fait notre Fédération Nationale, la FNAP, en raison de la qualité de la relation établie dans les Bouches-du-Rhône avec notre DT et l’ARS, nous a demandé de prendre en charge les dossiers des entreprises de transports sanitaires de la région de Nice toutes appartenances syndicales confondues, pour les assister lors du sous-comité des transports sanitaires. Il a paru judicieux à nos représentants que les dossiers soient traités par une personne « extra muros » de manière à ce que les membres du sous-comité aient un nouveau rapport, une nouvelle approche de la défense des dossiers, basée exclusivement sur le code de la santé publique qui régit notre profession. Nous pensions que ce mode de fonctionnement, basé exclusivement sur les textes, pouvait détendre les rapports quelques peu explosifs dans ce département entre le Délégué Territorial et les transporteurs sanitaires.
L’AU 83 : Et comment celà s’est-il passé ?
C.A : Nous avons été surpris par les dossiers présentés au SCTS; les faits motivant les poursuites étaient … étonnamment bénins, très loin de la fraude et même de l’infraction à notre règlementation. A la base, il semblait s’agir de malentendus! Celà étant, la DT 06 ne fournit quasiment aucune pièce… Il est bon de rappeler que les Ambulanciers dans les Alpes-Maritimes n’ont pas accès aux documents de procédures, n’ont aucuns procès-verbaux, et sont même convoqués plusieurs fois pour les mêmes griefs.
L’AU 83 : Comment avez-vous été reçue?
C.A : On ne peut pas dire que j’ai été la bienvenue… J’ai bien senti que dès mon entrée ma venue était ressentie comme une attaque, alors qu’à Marseille, nous sommes considérés au sein du SCTS comme étant un partenaire et non un ennemi. J’ai été très surprise de la manière quelque peu cavalière de me répondre lorsque, tout naturellement, je faisais référence à des articles du CSP ou à des règles de droit français. Comme si l’invocation d’une règle de droit devenait une attaque. Pourtant celà semble basique: il faut savoir si les faits poursuivis constituent ou non une infraction et une fois cette question réglée, regarder dans quelle circonstance elle a été commise afin de déterminer si oui ou non, nous, les membres du SCTS, devons sanctionner et dans l’affirmative graduer la sanction. Il me semble que cette logique doit diriger le SCTS puis le DG ARS dans le cadre de ces procédures pénibles. Là, j’ai eu la sensation que la seule convocation justifiait la sanction et qu’aucune discussion n’était tolérée. Certains membres ne m’écoutaient même pas, occupés à tenter de faire entrer les faits dans un tableau comme un croque-mort essaierait de faire rentrer un corps dans un cercueil!
L’AU 83 : Vous avez l’air plutôt contrariée lorsque vous parlez de celà…
C.A : Contrariée? Non. Stupéfaite, oui! On le serait bien à moins lorsqu’on s’entend dire que «la loi c’est moi» ou des réflexions du style «vous n’allez pas m’apprendre le droit!» lorsqu’on rappelle une règle fondamentale «non bis in idem», c’est-à-dire l’interdiction de justifier deux fois les mêmes faits… Alors, oui, je suis stupéfaite d’entendre de tels propos, à croire que les Alpes-Maritimes ne sont pas un département français (RIRE)… Mais bon, cela étant, il y a plus épineux…
L’AU 83 : Quoi donc?
C.A : Eh bien, je trouve beaucoup plus problématique le fait de ne pas répondre à une de mes interrogations sur la définition légale de l’hygiène d’un véhicule de transports sanitaires mis en cause dans un dossier qui, apparemment, est à la seule appréciation du Médecin contrôleur dans les Alpes-Maritimes… Il en est de même pour le «rangement» du véhicule, à tel point que nous nous sommes retrouvés avec des griefs du style d’une couverture mal pliée ou des traces de boues dans le véhicule alors qu’il avait plu la veille… Et je trouve personnellement bien dommage la réaction des membres présents (hors les représentants ambulanciers bien sûr!), car nous aurions pu rebondir sur des thèmes productifs, comme par exemple, mettre en place des protocoles de désinfection simples à faire remplir par les équipages. Imaginez-moi en train d’expliquer que le contrôle se faisant à la sortie d’un établissement de santé, le personnel ne pouvant pas laver son véhicule ni sur la voie publique ni sur le parking des urgences, qu’il faut bien lui laisser le temps de rentrer à son dépôt pour procéder au nettoyage, surtout qu’en plus le médecin avait constaté la présence d’une deuxième couverture bactériostatique à bord…
L’AU 83 : Vous pensez donc que chaque dossier peut déboucher sur du positif?
A.C : Pas sur chacun des dossiers, parce que j’ai eu l’impression parfois que l’on marchait sur la tête, mais sur certains oui, j’en suis persuadée!
L’AU 83 : Vous avez un exemple?
A.C : Oui, prenons l’exemple d’un transporteur sanitaire qui prend son patient (atteint de troubles psychiques) à un établissement de santé A pour le mener à un établissement de santé B pour consultation. Il transmet le dossier au secrétariat qui l’informe que le temps d’attente risque d’être long. Il laisse ses coordonnées et repart. N’ayant pas de nouvelles de ce patient, il se rend sur place et ne le trouve pas… Il suppose donc qu’un autre ambulancier aura été missionné pour le retour, ce qui est chose courante dans les services et vous le savez bien. Mais hélas, cette personne a bel et bien disparu, et sera retrouvée quelques jours plus tard, décédée. Et là, je dois vous avouer que j’ai vu rouge et que ce dossier me tenait à cœur car suite à une plainte de l’établissement de santé A, le transporteur sanitaire a été mis en cause dans le décès de cette personne! Ce qui est totalement INJUSTE car il n’a fait que son travail! On nous a même mis en avant un soi-disant contrat qui n’existe pas! Je n’ai pas manqué de leur rappeler les différentes circulaires en vigueur qui définissent clairement nos obligations: et il n’entre pas dans nos obligations de rester en attente et de surveiller les patients qui sont sous la responsabilité des services! Vous voyez, dans un dossier comme celui-ci il faut rebondir sur le référentiel des transports post-hospitaliers qui est totalement ignoré et qui devrait déjà être en place; le rapport Eyssartier (qui date de 2010) étant assez explicite sur l’économie que l’application de ce référentiel engendrerait, et nos rapports avec les établissements de santé s’amélioreraient grandement, mais lorsque j’ai abordé le sujet, on a fait mine de ne pas entendre (RIRE)…
L’AU 83 : Avez-vous une solution à proposer pour le département des Alpes-Maritimes?
A.C : Je n’ai pas cette prétention, mais j’ai des idées (RIRE). Je pense que si la bombe à retardement allumée dans ce département n’est pas vite désamorcée on va droit dans un conflit légitime pour les transporteurs sanitaires. Le mieux, l’idéal, et j’espère que mon souhait va se réaliser, c’est que les membres du sous-comité, en priorité Mr le Directeur Territorial, comprennent que les transporteurs sanitaires et l’ARS doivent travailler en coopération. Je me répète, nous ne devons pas être ennemis mais collaborateurs, tout comme dans le département des Bouches-du-Rhône dont je dépends. Un respect mutuel doit exister, nous avons en tant que transporteurs sanitaires des obligations régies par le CSP, les responsables de l’ARS et les membres du sous-comité doivent également respecter ces règles. Il ne s’agit pas de «passe-droit», ni d’être «anti sanctions», mais on ne peut sanctionner que ce qui est sanctionnable! Et il ne s’agit pas non plus de faire la course aux procédures, le but recherché n’étant pas là. Il faut bien comprendre que les ambulanciers du département 06 ne s’excuseront plus pour des reproches infondés et n’accepteront pas plus de sanctions illégitimes. Nous sommes des professionnels de santé, nous faisons partie de la chaîne de soins, nous sommes des entreprises privées au service du public, et nous entendons être respectés comme tels!